Saturday, March 04, 2006

Once upon a time patches of life….




Le salon est dans la pénombre, seul le halo de lumière de l’ordinateur éclaire la pièce. Mon œil est attiré par les couleurs artificielles de la rue. Dans mes oreilles coulent à flot les suintements de la pluie qui coule, frappant le goudron, tellement imprégné que l’eau ruisselle toujours plus avant s’engouffrant dans tous les interstices. Ces jours là je prends mon chapeau que je cale sur ma tête et je remonte mon pantalon. Je marche et j’essaye d’éviter les flaques trop grosses. Je longe le petit Vanves, puis le mur du lycée. Je sors ma carte puis je fais un détour par le BVS, petite vérification journalière du casier. J’entame ce long couloir. Je sens mes pas alertes sur les carreaux qui ont vu tellement d’élèves courir… Petit passage à droite et ces grands escaliers. Allure deux par deux. Finalement je prends le deuxième couloir à droite et encore la première à droite. C’est chez moi. Salle 214. Petit tour circulaire, Jeanne met la bouilloire à chauffer, Charlotte épluche une clémentine, Edouard rigole aux éclats et moi je cherche une place ni trop près ni trop loin...
Ces moments tellement forts que je n’ose pas encore penser à la fin de l’année qui s’approche pourtant tellement vite. Dès que je m’attarde et me dis que ces deux années sont bientôt terminées. Même une extension d’un an ne pourra me faire oublier que tout sera bientôt ce passé glorieux des possibles. Bientôt on s’éparpillera dans toute la France, dans des parcours très différents, mais avec cette même fibre qui nous lie. L’intensité des rapports. Ce sentiment d’être soi-même, une communauté d’esprit. Je rêve d’un trajet en train (première classe allemande…) je nous revois rigolant de notre équipée rocambolesque, les deux pieds dans l’aventure. Nos phrases bourrées d’allusions et de citations, nos sacs où se cache forcément un classique. Ce bien être qui me fait peur, ce gouffre que je ne veux pas vivre. J veux continuer à sentir le vent froid de Riga, le souffle de la Daugava me fouetter le visage, la Baltique se mettre à nue devant moi, gelée, majestueuse et si belle… Cette perfection glacée qui vous embrasse de sa grandiosité. Cette glace instable sur laquelle nous marchons pourtant d’un pas si assuré, le regard perdu face à ce pont moderne reliant la vieille ville dans notre dos et ces immeubles modernes tournés vers l’avenir. Ces ambiances feutrées de bar. Après avoir failli nous faire menotter par un heleur, nous descendons un escalier, décor recherché et épuré. Grande table, il se fait tard, qu’importe, nous commandons. On nous apporte ces boissons toutes plus colorées les unes que les autres. En face de moi, ce petit verre et ce liquide au nom évocateur, l’absinthe et surtout le rituel. Petite fourchette et le sucré déposés à côté. Flamme bleutée, puis ces gouttes qui tombent à avec une lenteur tout aussi calculée. La tournée commence et la bouffé de chaleur au passage de ce liquide. Cette envie de joues rosies par le froid et par l’alcool, tout ce fatras de gants, d’écharpes et de chapka…
Quelques photos, une carte postale et un collier d’ambre pour seuls souvenirs.
Un peu plus tard, à un autre moment, je marche seule dans les rues éclairées de mon Paris. La musique m’enferme dans un cocon, je passe devant ces maisons, ces vitrines colorées, ces rues en travaux et cette ambiance particulière. Samedi soir dans la capitale. Multitude des choix qui s’offre à nous pour la soirée de la semaine. Pourtant tout se dérobe devant moi, jeanne reprend le métro, elodie reste chez elle, virgile est au loin et je me retrouve perdue. La maison est vide, toutes les lumières sont éteintes, j’avance en aveugle sans prendre la peine d’enlever mon manteau. Je m’assois toujours baignée de musiques qui m’isolent et j’écris.
J’écris pour combler ce sentiment que j’aime et où je suis submergée. Cet interstice qui ne s’entrouvre que certains jours, à certaines heures. Quand la lune est si belle, quand la neige tombe à gros flocons dehors et qu’elle se réverbère dans ma fenêtre. Magique jeu de miroirs… alors que couchée dans un lit aux draps tendus, aux couvertures lisses de propreté, les couleurs tamisées, la chaleur douce d’une pièce habitée, je m’imprègne de ce tableau. Parfois à cela s’ajoute une guirlande de rouge, synonyme de plaisir à venir. Ici encore un autre rituel. L’ouverture, ces regards et cette distance affectée. Ces discussions posées légèrement. Puis soudain premier acte, le désir se fait plus fort que cette bienséance obligatoire. Et alors vin rouge et odeur suave. Je glisse ma main le long de ses hanches, je parcours sa peau douce et son corps fin. Je sens ses mains me prendre les cheveux d’une poigne ferme et attirer ma tête sur le côté afin de découvrir mon cou. La fameuse brebis que le loup attrape à la gorge. Point névralgique qui succombe au doigté alerte et réceptif qui caresse tout mon corps. Une fatigue entière et douce, sa tête calée sur ma poitrine. J’adore ces moments… Satisfaction. Cette ataraxie. Allez savoir mon attirance pour cette sonorité rugueuse et grecque…
Sortons de ce gouffre où l’on se complait à se regarder vivre. Sortons de ce lyrisme… et tentons de disloquer ce grand niais d’alexandrin…

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