Friday, October 14, 2005

Un été à Berlin


Je marche le pas alerte, dans mes oreilles, le son fluide et enivrant de M guide ma cadence et mon humeur. Je traverse ce carrefour illuminé de lumières artificielles, puis j'opte pour la 3ème à droite. Je longe cette route sombre où je ne m'attarde guère. J'ai hâte de passer cette gare. Rupture de deux mondes. Ici commence le début d'un autre moment.
J'essaye d'imaginer tout en marchant ce qui sera bientôt mon accueil, la suite des évènements. Quel tournant, quelle direction cette fois-ci? Un pas en avant, deux sur le côté ou bien ces esquisses de reculons?
Les jours, les semaines et même les mois commencent à se coller entre eux, à former un bloc qui me déchire insensiblement vers autre chose. Les lambeaux qui restent perdent leurs couleurs et je ne sais plus.
Je me force à ne pas réfléchir, à laisser le Temps agir. Me transformer, décaler les crans de son caléidoscope. Bientôt peut-être aucune de nos faces ne seront accolée. Alors je serai mis au bord de ce gouffre, où mes cubes de couleurs se sont éparpillés après qu'on ait terminé à tout remettre ensemble. Face avec face. Dur labeur qu'on se plaît à défaire ensuite.
Inconnu qui passe, je m'agrippe à elle. Le reverrai-je un jour par hasard, au gré de ma vie? Alors encore une fois il la bouleversera comme il l'a déjà fait. Il remettra en moi ce doute, cette possibilité d'une autre vie. Et je pleurerai mon soul, seule dans ma chambre, dans une nuit qu'éclaire des néons bariolés. Je n'ai pas envie de ce constat amer. De cette vie faite de rencontres minables, d'expériences ratées. Une vie qui s'effiloche, laissant toujours plus d'amertume que de joie. Etre au balcon d'un immeuble, boire du vin avec une amie où les rires ne cachent pourtant pas toute la détresse de cette vie instable et fragile. Des expériences douloureuses qu'il faut porter et digérer. Une tristesse que je dois surmonter. Belles toiles et fenêtres ouvertes. Oui, c'est l'avenir. Mais cette cigarette représente pour moi cet échec. Alors oui chagrin d'enfance. Je pleure avec lui mon chagrin d'une désillusion. Douleur d'avoir cru à un idéal qui n'est pas. Etre confronté à une réalité où je n'ai pas de Marraine. Pas de coup de baguette pour qu'aussitôt mon monde soit changé en cet univers coloré. Même pas ce bonheur temporaire, pas de minuit. Je reste en haillons, culcendron dans son âtre.
Pourtant je ne pleure pas, je me résigne, j'accepte. C'est surtout un refus d'accepter de m'être trompé, d'avoir cru à toutes mes paroles naïves. De reconnaître que tout cela n'était probablement que mon jardin d'enfance. Ce chagrin d'amour dont on parle ensuite comme d'une utopie lointaine, que le Temps, comme pour Peter Pan, a enfoui. Mais il est toujours là, petite trappe, fenêtre sur cour que l'on redécouvre en déplaçant un meuble. Soupir, oeil hagard et sourire léger qui s'esquisse. Des clichés touts nets malgré la poussière. Matériau inébranlable.
Elle nous donne une force et en même temps une faiblesse qui ne pourra jamais être totalement cicatrisée.
Je voudrai qu'un tourbillon m'emporte, m'égare un instant et me donne un nouveau code à ma porte d'entrée. Mais cette barrière en bois sera toujours présente. Cette fenêtre sous le toit et ces rideaux...

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